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16 avril 2009 4 16 /04 /avril /2009 21:30
Eric Leser est un des fondateurs de Slate.fr. Journaliste, ancien correspondant aux Etats-Unis et chef du service économique du journal Le Monde.
Le dollar n'est pas mort

Dans le monde monétaire, les grandes évolutions sont lentes et s'apparentent à la tectonique des plaques. Il a fallu la première guerre mondiale, la grande dépression et le second conflit mondial pour que la Livre sterling perde définitivement sa suprématie au détriment du dollar américain. La devise britannique l'avait gagné après 1815 et la défaite de Napoléon qui lui avait permis de supplanter le franc.

Le sens de l'histoire aujourd'hui est clairement à un déclin du billet vert, mais il faudra du temps pour qu'il abandonne son statut de monnaie d'échange et de réserve internationale pour la bonne et simple raison qu'il n'y a pas aujourd'hui de véritable substitut? en dépit des prétentions européenne avec l'euro et chinoise avec le yuan. Selon les chiffres du Fonds monétaire international (FMI), le dollar représente aujourd'hui 64% des réserves de change en devises étrangères dans le monde, l'euro 26%, la livre sterling 5% et le yen 3%. Cela ne va pas changer en quelques mois. Ni même quelques années.

Le G20 de Londres de la semaine passée aura toutefois marqué une étape dans la remise en cause du dollar, mais avant tout symbolique. La Chine a officiellement demandé une réflexion sur une remise à plat du système monétaire international et un changement de monnaie de référence. Le gouverneur de la banque de Chine, Zhou Xiaochuan, a appelé à la création d'une nouvelle "super monnaie souveraine de réserve».

Comme l'explique le prix Nobel d'économie, Paul Krugman, dans le New York Times en date du 3 avril: "La proposition M. Zhou est en fait un plaidoyer pour que quelqu'un vienne sauver la Chine des conséquences de ses propres erreurs d'investissement. Et cela n'est pas prêt d'arriver».
Paul Krugman évoque le piège dollar dans lequel est tombé Pékin en refusant pendant des années de laisser s'apprécier sa monnaie, le yuan, en accumulant les excédents commerciaux et en les investissant essentiellement en dollars. Cela n'est pas une raison suffisante pour changer de monnaie réserve internationale.

En fait, cela ne se décrète pas. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui de voir les matières premières, du pétrole en passant par l'or et le blé s'échanger dans une autre devise que le dollar. La Russie, l'Iran et le Venezuela ont bien envisagé un temps de vendre leur pétrole et leur gaz en euros. Ils y ont renoncé sans trop le dire. Car affaiblir le dollar irait à l'encontre de leurs intérêts en dépréciant leurs avoirs. C'est encore plus vrai pour la Chine et ses 740 milliards de dollars de réserves.

L'euro n'offre pas aujourd'hui une vraie alternative. La zone est d'abord économiquement trop peu homogène entre la rigueur budgétaire allemande, les finances publiques à la dérive de la Grèce et la nostalgie italienne pour les dévaluations compétitives. La monnaie unique, aujourd'hui adoptée par 16 pays, leur offre une vraie protection, mais elle n'est pas portée, loin de là, par une économie dominante et ascendante.

Le gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, ne veut d'ailleurs pas de l'euro, mais d'une monnaie de réserve spécifique qui n'appartiendrait et ne serait gérée par aucun pays. Si les nations européennes ont déjà tant de mal à gérer l'euro en fonction de leurs intérêts et de leurs modèles économiques divergents, on peut imaginer le cauchemar d'une monnaie mondiale.


En fait, personne, pour le moment, n'a une vraie alternative au dollar. La Chine et la Russie ont bien proposé d'étendre l'utilisation des Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI dont la valeur est construite à partir d'un panier de devises (dollar, euro, yen, et livre sterling). Un DTS est évalué à 1,49661 dollar et il y en a aujourd'hui 21,4 milliards en circulation. Mais il ne s'agit pas d'une monnaie, seulement d'une unité de compte.
Si le FMI peut augmenter le nombre de DTS en circulation, cela n'en fait pas une institution capable de mener une politique monétaire internationale qui serait particulièrement complexe. Il y a aussi un vrai risque de voir le FMI soumis à des pressions politiques incessantes pour modifier la valorisation et la composition des DTS.

Et puis, les Etats-Unis ne vont pas renoncer comme cela à la domination du dollar. Son statut leur offre l'incommensurable avantage de rembourser leurs dettes dans leur propre monnaie.

La Chine a toutefois réussi la semaine dernière à tirer un coup de semonce en rappelant à Washington ses responsabilités. Le message est clair: vous ne pouvez pas multiplier la création de monnaie, faire tourner la planche à billets et vous endetter sans limites sans tenir du compte du fait que votre devise est celle qui domine les échanges internationaux. Au-delà, il s'agit avant tout d'un effet de manche politique. La Chine a quelques raisons de détourner l'attention de la sous-évaluation permanente et orchestrée de sa propre devise, tandis que la Russie cherche par tradition à affaiblir les instruments de la puissance américaine.

Quand en 1971, les Etats-Unis ont unilatéralement renoncé à l'étalon or, le Secrétaire au Trésor de l'époque, John Connally, avait mis en garde les ministres des finances européens par une phrase devenue célèbre: "le dollar est notre devise, mais votre problème». Trente huit années plus tard, cette affirmation est toujours vraie, plus seulement pour les Européens, mais pour le monde entier.

Merci à Orage info d'avoir relayé cette analyse.
Commentaires: Cette analyse va à l'encontre de ce que j'avais écrit récemment sur un de mes posts a savoir : Que le dollar avait amorcé une décadence inexorable , compte tenu des derniers évènement liés à la crise économique.  Me serais-trompé ainsi que bon nombre d'analystes?  à la lecture de ce post , même si sur certains points il rejoint un peu mes idées, je continue de penser que pour la chute du dollar c'est une question de temps, et il n'est pas impossible que ce soit l'euro qui soit amené à jouer un role mondial, mais je pense qu'à plus long terme , une monnaie Chinoise ou asiatique, ( associée à la livre indienne , voir au Yen ) vienne mettre tout le monde d'accord. JG.

Eric Leser
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T
Très intéressant merci!<br /> Il semble toutefois douteux que l'on abandonne le dollars en tant que monnaie de réserve, comme le démontre cette analyse;<br /> http://www.unmondelibre.org/Lal_monnaie_internationale_110809<br /> Très intéressant merci!<br /> <br /> Il semble toutefois douteux que l'on abandonne le dollars en tant que monnaie de réserve, comme le démontre cette analyse;<br /> http://www.unmondelibre.org/Lal_monnaie_internationale_110809
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