Elle était tout sourire, Michèle Alliot-Marie, le 19 janvier dernier. Pensez-vous : place Beauvau, devant un parterre de journalistes esbaudis, elle annonçait une nouvelle baisse de la délinquance, pour l’année 2008. - 0,86% par rapport à 2007 ! Inouï, non ? Les services de police et de gendarmerie n’ont constaté l’an dernier « que » 3.558.329 crimes et délits.
« Il faut remonter à 1997 pour trouver un chiffre de délinquance aussi bas », s’est félicité le ministre de l’Intérieur. Et il faut sans doute remonter encore plus loin pour trouver un tel exercice d’autosatisfaction.
Car enfin, - 0,86%, ce n’est vraiment pas terrible. Cela représente une diminution de 30.964 du nombre de faits constatés (sur plus de trois millions et demi) : il n’y a pas de quoi pavoiser.
On est loin de la baisse de 5% promise par Nicolas Sarkozy fin 2007.
Oui mais, nous explique MAM,
« pour la délinquance de proximité, le cap des 10 % en moins a été dépassé. Nous atteignons le chiffre de 11,2 % ». La « délinquance de proximité » est vraisemblablement un nouveau concept issu des triturations mentales des membres de l’OND (Observatoire national de la délinquance), le service créé par Nicolas Sarkozy pour digérer mensuellement (et annuellement) les statistiques de la délinquance et les recracher sous une forme compréhensible, et surtout acceptable.
La délinquance de proximité, une invention opportune
Qu’est-ce donc que cette délinquance de proximité ?
« Celle qui touche le plus nos concitoyens », nous dit MAM. Et de quels délits est-elle la somme ? On ne le sait pas. On en déduit donc que c’est simplement l’appellation moderne de l’ancienne « délinquance de voie publique » — celle dont Sarkozy avait promis, toujours fin 2007, qu’elle baisserait de 10% — soit la somme des cambriolages, vols d'automobiles, vols d'accessoires automobiles, vols à la roulotte, destructions et dégradations de biens (sauf incendies et attentats), vols avec violence et vols à main armée. Eh bien non. Car cette délinquance-là n’a pas chuté de 11,2%, ni même de 10%, mais de 6,3% seulement. Bref, la « délinquance de proximité » a tout l’air d’être un agrégat artificiel destiné à faire croire que le président tient ses promesses.
La diminution des vols d'auto-radio responsables de la baisse ! Et la délinquance pas de proximité (qu’on doit alors appeler la « délinquance lointaine », même si dans 99% des cas c’est arrivé près de chez vous) ? Elle est apparemment constituée de tout ce qui augmente :
- Les coups et blessures volontaires (n’ayant pas entraîné la mort), en hausse de près de 7% avec 12051 faits supplémentaires constatées cette année.
- Les cambriolages d’habitations principales , en légère augmentation (+0,73%)
- Les vols à main armée (+15%)
- Les viols et atteintes sexuelles (+2,8%)
- Les escroqueries et abus de confiance : +21%
Et que dire des ces deux indicateurs ô combien sérieux de l’état de la délinquance en France que sont les
« violences à dépositaire de l’autorité » (essentiellement les policiers et les gendarmes) et les « port ou détention d’armes prohibées » ? Les premières enregistrent une hausse de 4%, les seconds de 9,6% !
Mais alors, direz-vous, qu’est-ce qui a baissé ?
Les vols. A la tire, avec violence. Et surtout les vols à la roulotte — c’est-à-dire les vols dans les véhicules (essentiellement des autoradios) : 34.021 faits en moins. Les -0,86%, c’est eux. En somme, la baisse de la délinquance en France en 2008 peut dire merci aux lecteurs MP3 et autres Ipod qui rendent superflue l’acquisition d’un autoradio. A quoi ça tient !